Le Parlement l’a fait ! En juillet dernier, l’amendement mettant fin à la conjugalisation de l’AAH a été voté et adopté dans le cadre de l’article 5 du projet de loi « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». Les années de combat ont porté leurs fruits…
Conjugalisation de l’AAH : là où le bât blesse
« Savez-vous qu’une personne handicapée vivant en couple doit demander l’accord et le financement de son conjoint pour payer chacune de ses dépenses de la vie quotidienne ? » questionne amèrement Véronique Tixier, une allocataire à l’origine de la pétition pour la déconjugalisation de l’AAH.
Les ressources du conjoint étant prises en compte dans le calcul du montant attribué [c’est ce qu’on nomme la « conjugalisation », NDLR], cela oblige les allocataires à un choix difficile : rester seul et toucher l’AAH ou vivre en couple, perdre l’AAH et dépendre financièrement et psychologiquement de son conjoint.
"De fait, vivre mariés, pacsés ou en concubinage se traduit, la plupart du temps, par une absence d’indépendance financière. Une situation qui va à l’encontre de l’objectif d’autonomisation des personnes handicapées cher à la CFTC."
Sans cette autonomie, la personne en situation de handicap peut « ressentir dès cet instant qu’elle n’existe plus socialement et qu’elle ne sert à rien, ce qui rajoute à ses difficultés dues à son état physique », témoigne Véronique Tixier.
Un long combat vers la déconjugalisation de l’AAH
Face aux revendications, l’Assemblée nationale adopte le jeudi 13 février 2020, contre l’avis du gouvernement, la proposition de loi portée par le député Yannick Favennec Becot, qui propose notamment d’individualiser l’AAH, en supprimant la prise en compte du revenu du conjoint dans son calcul. Un 1er échec législatif s’en suit.
Piquées au vif, les associations se mobilisent et sollicitent la société civile, les journalistes, les parlementaires de tous bords, les autorités indépendantes, jusqu’au Comité des droits de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Une pétition, signée par de nombreux référents handicap CFTC, est même lancée sur le site du Sénat et recueille plus de 100 000 signatures… démonstration inédite de la démocratie participative !
Le texte repasse donc au Sénat en mars 2021, soit plus d’un an après et, à la surprise de tous, est validé par l’institution. Tous les partis politiques y sont favorables, mais la majorité s’y oppose. 2e échec législatif.
À la place de la déconjugalisation, l’Assemblée nationale vote finalement un amendement visant à mettre en place un abattement forfaitaire de 5 000 euros sur le revenu du conjoint [il s’agit du dispositif en vigueur aujourd’hui, NDLR].
Entre-temps les militants poursuivent le combat et le sujet de la déconjugalisation de l’AAH se maintient dans l’actualité comme débat de société. Il faut finalement attendre juillet 2022 pour que l’individualisation de l’Allocation aux adultes handicapés soit votée par l’Assemblée nationale et définitivement adoptée au Sénat.
Et les angles morts ?
D’après le gouvernement, près de 45 000 personnes pourraient en revanche être pénalisées. Parmi elles comptent les personnes handicapées qui travaillent et vivent avec un conjoint peu ou pas rémunéré.
Mais, favorable à un « dispositif transitoire*», l’État propose de garantir aux bénéficiaires de l’AAH qui le souhaiteraient un maintien de droits jusqu’à expiration de ceux-ci.
La CFTC, qui a toujours soutenu le combat des personnes handicapées et des associations qui les représentent pour la déconjugalisation de l’AAH, se félicite de ce nouvel amendement.
Pour le syndicat, l’allocation n’a jamais été un minima social comme les autres. La décision du Parlement ne vient que conforter cette pensée sur le plan symbolique.
*Le dispositif transitoire permettra à un allocataire de l’AAH, qui serait susceptible de voir le montant de son allocation diminuer en raison de la déconjugalisation, de conserver le montant de cette allocation jusqu’à l’expiration des droits acquis.